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Au café de Flore



 « J’ai rendez-vous avec Flore au café mais rien ne se passe comme prévu. »  



Patrick la main sur mon épaule. Younes qui clope, à la même table que nous.

J’avais rendez-vous avec Flore au café mais rien ne s’est passé comme prévu.

Elle est arrivée cinq minutes après moi. Le serveur avait déjà apporté le camion d’apéritifs. Flore a regardé avec dégoût les petits bonshommes couverts de sel. Il faut dire qu’ils n’avaient pas l’air très croustillants et dégageaient comme une odeur de rance. J’ai voulu lui faire la bise mais elle m’a dit « Ah ! gestes barrière ! » et on s’est salué du coude. En me rasseyant j’ai renversé le camion de bonshommes apéritifs qui se sont mollement écrasés par terre. Elle a fait signe au serveur, pour nettoyer.

Je tournais dans ma tête un compliment pour remettre ce rendez-vous sur la bonne voie. C’est alors que Younès s’est pointé. « Flore ! Tu es sublime aujourd’hui ma belle ! a-t-il dégainé avant moi. Ça ne te dérange pas que je t’emprunte Henri deux minutes ? Il faut qu’on parle business. Qu’est ce que c’est que ça ? »  a-t-il ajouté regardant d’un air dégouté le tas de petits bonshommes écrasés par terre tels une bouse couleur chair. « Mais tu manges comme un porc, Henri ! »

Je me suis senti rougir : « Ça ne peut pas attendre ? On était occupé. » « Non, non, a coupé Flore, je t’en prie Younes, viens t’asseoir ». Il ne se l’est pas fait dire deux fois. Une fois sur la banquette il a voulu me taxer une clope. J’en avais pas. Flore lui en a filé une.

― Mais tu fumes, Flore ?

―   Un mois qu’on se connait et tu n’avais pas remarqué ? a-t-elle dit d’un ton faussement détaché.  

Décidément, ça s’engageait mal. Et Younes a embrayé sur l’atelier de réparation de vélos. C’était son projet, et comme d’habitude il était intarissable sur le sujet. Je pouvais presque visualiser le hangar où s’activaient les mécaniciens.

Flore, apparemment, ne visualisait rien du tout. Un ennui poli se dessinait sur son visage. Son regard tomba de nouveau sur les bonshommes toujours aplatis au sol :

― Je vais y aller je crois.

― Attends, prends au moins un verre, Younes va partir.

―   C’est bon j’ai eu ma dose, a-t-elle répondu d’un ton cinglant.

―  Bon, a dit Younes après une courte pause, puisque t’es libre maintenant, j’appelle Patrick. Il faut qu’on parle du financement.

La robe rouge de Flore disparaissait rapidement dans le flux des touristes et je l’ai perdue des yeux. Je me suis affalé sur la table. Patrick devait être dans le coin, il s’est ramené presto. Il s’est assis à côté de moi et m’a demandé ce qui se passait : « Tu as l’air déprimé, Henri. Et c’est quoi par terre ? »  Comment lui expliquer que c’était la troisième fois que j’avais rendez-vous au café avec Flore, et qu’à chaque fois elle était partie avant même de prendre un verre ?

crédits image :  Jörg Immendorff – Readymade de l’histoire dans Café de Flore, avec Max, Otto et Ernst, (1987) 

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