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Articles

Affichage des articles du avril, 2023

Max

  « Mais enfin Philippe, ce n’est que pour quelques jours. Tu sais bien que l’hôtel n’accepte pas les chiens. Allez, donne-le à Catherine. Il va se reposer dans l’arrière-boutique et puis elle l’emmènera chez elle ce soir. » Je sens la chaleur de Max contre ma poitrine, et c’est comme une supplique : « Ne me laisse pas ! » Ne t’inquiète pas mon chien, je ne vais pas te quitter. Je sais comment ça va se finir. La dernière fois aussi elle m’avait dit « pour quelques jours ». Le temps que je me repose. C’est ce que le psychiatre lui avait expliqué : « On va garder votre frère quelques jours, le temps qu’il se repose. » Mais ça a duré, duré… tellement longtemps. Tu as dû croire que je t’avais abandonné. Tu as dû gémir, toutes les nuits, tout seul, tu as dû rêver que tu étais à mon côté en boule sur mon lit, partageant ta chaleur avec moi. « Philippe, ça fait des semaines que ta sœur prépare votre voyage. Tu étais d’accord. Donne-moi Max », exigea Catherine avec une pointe d’impatienc

La rivière

   Celui qui marche en tête tape le sol avec un bâton pour faire fuir les vipères. Trois ou quatre marmots suivent, en T-shirt et maillot de bain, bob ou casquette sur la tête. Chacun traîne derrière lui un demi bidon jaune canari. L’ombre des saules est un soulagement. A leur pied la rivière rigole doucement la terre sablonneuse. Partout, rochers et cailloux affleurent. Des mains laborieuses les empilent, dégageant un étroit canal navigable. Les rais de soleil qui parviennent à percer la canopée ricochent sur les poissons en éclats vifs et mouvants. On lance à l’eau les bidons, et les enfants embarquent, tachetés de lumière, éclatant de rire. Leurs mains en guise de rames, ils mettent difficilement en branle leur navire. Puis l’eau se fait plus profonde et l’on peut laisser voguer, sous le regard si doux des vaches venues chercher, elles aussi, un peu d’ombre. Soudain l’un des aventuriers crie au serpent. Était-ce une couleuvre d’eau, ou un bout de bois porté par le courant ?  Le soir

Roméo, Juliette, et leurs enfants

Je n’avais jamais été auparavant face à quelque chose d’aussi somptueux, captivant, j’avais l’impression d’avoir accès à un coin d’un autre monde, où tout tenait de la magie. * Je refermai la porte. Sans doute avais-je halluciné, et si ce que j’avais vu était réel il n’était sans doute pas sans danger de laisser ouvert le passage vers cet autre univers. Je restai quelques minutes assise, adossée à la porte, puis, n’y tenant plus, je l’ouvris une seconde fois. De l’autre côté, c’était un champ verdoyant, parsemé de fleurs sauvages. On entendait le bruit lointain d’une rivière. Et posées sur l’herbe, à perte de vue, sous le soleil estival, des rangées et des rangées d’étagères remplies de livres. Une gigantesque et incongrue bibliothèque en plein air. Je franchis le seuil et me dirigeai vers le premier meuble. Les ouvrages ne semblaient pas rangés dans l’ordre alphabétique. Je m’interrogeais sur leur plan de classement quand je repérai un classique : en ce lieu étrange, c’était une visio

Le Fils de l'Ogre - Henri Gougaud

Aujourd'hui pas d'image, même si j'ai pris la liberté d'illustrer ce texte par le Saturne dévorant son enfant de Goya, juste pour l'ambiance. Le jeu du jour : choisir à son titre un roman inconnu dans la bibliothèque, en tirer quatre phrases et bâtir un texte autour. Les phrases du livre d'Henri Gougaud (que je n'ai donc pas lu) sont en italique dans le texte ci-dessous. Le titre est donc Le Fils de l'Ogre. *** Le Père était dans le patio. Il avait fini ses comptes et referma le livre relié de cuir brun. « Tout est en ordre, se dit-il, et j'ai bougrement faim. Fils, amène-moi un enfant. » Mais personne ne répondit. Le père alla jusqu'à la chambre des enfants : elle était déserte. Aucune trace non plus du Fils. Derrière la première dune le Fils s'arrêta un instant, laissant les cinq enfants passer devant lui. Il vit un moment planer, très haut, un oiseau . C'est de bon augure, pensa-t-il. Ils marchèrent toute la matinée puis, quand la cha