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Affichage des articles du mars, 2023

Exercice

 Lutte - démocratie - honnêteté -  équité - lutter - labyrinthe -  lampe - étoile - marcher -  joie - lâcher prise - liberté -  anniversaire - nièce - foyer Voici la liste des mots donnés par les participants à l'atelier, à utiliser, tous ou en partie, dans un texte commençant par "Aujourd'hui, j'ai une audition". *** Aujourd'hui, j'ai une audition . Le parti cherche un candidat à la députation dans ma circonscription. Le précédent élu a dû démissionner pour faits de corruption. Nos CV sont vite lus, mais ce qui compte surtout est la capacité à jouer les valeurs du parti : démocratie, honnêteté, équité... la liste n'est pas exhaustive. Elle s'enrichit suivant les demandes des électeurs pour que personne ne se sente oublié le jour du vote. Nous passons les uns après les autres, dans une petite pièce qui jouxte la salle d'attente. Je relis mes notes quand on appelle mon nom. Le jury est présidé par l'ancien député, assisté de deux membres émi

La Poupée

  « Je parie qu’elle est possédée. Tu la poses dans ta chambre la nuit elle va dans la cuisine, prend un couteau, et égorge tout le monde » dit Joan en voyant la poupée. « Que tu es bête » répondit Francine. Elles étaient en train de vider le grenier de la maison familiale de Francine, car la mère de celle-ci, trop âgée pour rester seule, et refusant d’émigrer en métropole, allait être accueillie par une cousine à Saint-Esprit . « Cette poupée, c’était tout pour moi, reprit-elle. Tu sais que mon père n’était pas souvent à la maison. Il travaillait sur un bateau de croisière. Chaque fois qu’il revenait à Fort-de-France, il prenait cette poupée, allait en ville et lui faisait tatouer un dessin qui représentait un événement qu’il avait vécu au boulot. Le puma par exemple, c’était un millionnaire californien qui n’avait pas voulu embarquer sans son animal de compagnie. C’était encore un presque un chaton, mais il l’avait bien griffé. Il m’a montré ses cicatrices. Mon père le dompteur de

Monsieur Ousmane

  Cela faisait des semaines qu'il me négligeait. Le courrier arrivait, s'entassait jour après jour et toujours il passait devant moi sans un regard. Et puis ce matin, quelque chose s'est produit. Il s'est arrêté devant moi, les yeux cernés mais le regard brillant. L'une après l'autre il a sorti chaque enveloppe, leur a jeté un rapide coup d’œil avant de les laisser glisser à terre. Chaque courrier sorti était un soulagement, j'étais remplie à ras-bord, la paroi tendue par le volume des lettres. Enfin, la sensation de ballonnement a disparu. Le dernier courrier est sorti. Mais son regard est toujours anxieux. J'ai le sentiment qu'il attend de moi quelque chose que je ne peux pas lui donner. Il demande d'un ton accusateur : « C'est tout ? » A mon humble avis, c'est déjà pas mal. Je me sens rougir de confusion. Il avance la tête vers moi et l'introduit dans ma bouche. Sentiment de choc. Il y a des limites à ce qu'une boîte aux lettre

Gorki

    Je suis illustratrice. Je préfère ce mot à dessinatrice car au moins on ne me demande pas si j’ai un travail à côté. J’illustre des albums pour enfants, je fais des couvertures de livres. En ce moment je prends pas mal de commandes de bannières ou de PP, ça ne rapporte pas beaucoup mais l’argent arrive vite, et comme la trésorerie est souvent à sec, ça fait du bien. Et bien sûr, quand j’ai fini le travail, je commence le vrai travail. Je prends mon bloc et mes crayons et je parcours la forêt de Chantilly en quête de jeux d’ombres et de lumières à saisir. Je dessine beaucoup de branches et de racines également. La multiplicité de leurs formes me fascine. Gorki m’accompagne dans toutes mes promenades studieuses. Il adore poursuivre la faune locale, totalement inconscient du ridicule d’un petit boudin à grandes oreilles courant derrière de gracieuses biches. Souvent je le dessine aussi mon adorable de Gorki, mon corgi d’amour. Enfin, je le dessinais. Le panneau prévenant de la travers

Les Romans

Aurore avait donné l’alerte : « Il n’a pas fermé la porte en partant ! » Ce fut un tourbillon de jupons dans l’escalier vers l’atelier. Ses sœurs Célestine et Rose, ses cousines Amélie et Renée, et Aurélie, la bonne amie de cette dernière, la suivirent derrière la porte aux lourds voilages. Le tableau en cours était décevant. Une vue d’Étretat au soleil couchant, rien qu’on ne leur eût interdit de voir. Mais l’atelier contenait un autre trésor : sa bibliothèque. D’après leur oncle, des traités sur la perspective et les couleurs, la théorie de l’art. Mais Aurore soupçonnait qu’il y dissimulait aussi des ouvrages plus intéressants. Rose fut la première à faire une découverte : Les Fleurs du Mal. Elle s’assit sur la banquette et commença la lecture : « La très chère était nue… » mais fut interrompue par sa jeune cousine qui riait déjà. Elle prit une mine sérieuse : « Cette édition n’est pas censurée. Je me demande pourquoi oncle Gustave en conserve un exemplaire. » Mais Amélie mit fin à s

Le Trône

    Mon nom ? Serais-je assez fou pour donner mon nom à une étrangère ? Crois-tu que c’est en commettant ce genre d’imprudences que je suis parvenu sur ce trône ? Écoute donc l’histoire de ma vie, humaine, et puisses-tu t’en inspirer. L’histoire de mon père, je l’ignore totalement. Celle de ma mère, que puis-je en dire ? Une chatte des campagnes, qui mit bas dans une cave. J’avais sans doute des frères et sœurs, mais quand ma génitrice ne voulut plus de nous moi seul fut fait prisonnier par la vieille humaine qui logeait au-dessus. Elle me nourrissait peu, des restes de pâtes, un os de poulet, ou tout autre relief de ses repas quand elle y pensait. Je dû apprendre très jeune à gagner ma vie seul. Par chance, les mulots n’étaient pas rares dans le champ adjacent. L’humaine était très vieille. Anubis l’emporta six mois après ma capture. Anubis ? De quoi t’étonnes-tu, humaine ? Nous les chats côtoyons encore les anciens dieux, ceux auprès de qui nous

A Nice Guy

    Cela faisait des mois qu’il lui faisait la cour, en parfait gentilhomme. En « nice guy », comme diraient les jeunes. Il l’avait plusieurs fois emmenée manger dans ce petit resto au bord du fleuve. Il s’était bien comporté. Comment aurait-il pu faire autrement sous le regard du futur beauf ? Car il était persuadé que celui-ci ne perdait pas une miette de la conversation. Il lui avait dit qu’elle été belle, en vers et en prose. Il lui avait même composé une petite sérénade pour flûte de pan. Il lui avait offert des fleurs, les premiers crocus du printemps puis des narcisses. Ce n’avait pas été une bonne idée, les narcisses. Elle avait pleuré. « Je le connaissait bien, avant. C’était un bon ami ». Il n’avait pas osé lui prendre la main pour la consoler. Il passait des heures à l’écouter parler de ses amies et des rivalités de cour d’école entre elles, tentait de retenir qui d’Ida ou de Callirrhoé avait le meilleur sens de la mode, qui de Tritée ou d’Eunoé nageait avec le plus de grâce

La Crique-Aux-Singes

    La Crique-aux-Singes, à l’origine, était de jour un modeste village de pêcheurs, de nuit un repère de naufrageurs qui complétaient leurs revenus en faisant échouer les navires marchands sur les récifs de l’anse. Les habitants en avaient gardé un caractère aventureux. Aussi quand on apprit que la petite ville si pittoresque avait été choisi pour la plus spectaculaire séquence d’action du prochain James Bond, ce fut l’effervescence. Au café du port, la nouvelle alimentait toutes les conversations. En particulier, le dédommagement pécuniaire évoqué par les producteurs intéressait bien des habitants. « Et les retombées sur le tourisme, vous imaginez ! » s’exclama Monsieur Durieux, le buraliste voisin « La Crique va faire venir des fans du monde entier ! ». Dans les eaux du port, les poissons n’en pensaient pas grand-chose. Ils étaient en général indifférents aux choses humaines. Protégés des courants par les récifs qui fermaient la baie, ils menaient une vie indolente, loin du fracas d

Murugan

«Les migrations animales, humaines, et nos migrations intérieures comme une ouverture au monde et au partage »   Nous sommes un 21 février. Madhavan l’ignore mais c’est la Journée internationale de la langue maternelle. Il y a soixante-et-onze ans dans un petit pays d’Asie, l’armée tirait sur des étudiants qui manifestaient pour le droit de parler leur langue. Aujourd’hui Madhavan est énervé. Il a crié, jeté par terre ce qui se trouvait sur la table. S’il avait eu conscience de la date il aurait peut-être gardé pour lui sa colère. Car ce qui l’a mis dans tous ses états, c’est d’entendre une fois de plus sa femme parler à leur enfant en tamoul. Comment espérer que Marc s’exprime en français si elle s’obstine à s’adresser à lui dans sa langue maternelle ? « Mais je ne connais pas de comptines en français », s’est-elle justifiée. « Demande à tes amies, celles qui ont des enfants. » avait-il répondu. « Je n’ai pas d’amie française », avait-elle pensé très fort. Elle ne comprend pas son mar

L'entracte

    Dans un film de son pays, c’était l’exact moment ou la musique commencerait. Habillée de son plus beau sari elle danserait dans un décor de montagnes enneigées et chanterait son amour pour Paul à travers la voix d’emprunt d’une chanteuse de playback. Leur histoire, elle le sentait, approchait de son entracte. Le duo allait s’achever et un rebondissement inattendu laisserait le public, le souffle coupé, se rendre aux toilettes ou acheter un samosa. Les rebondissements possibles ne manquaient pas. Le père de Paul ne voulait pas d’une belle-fille sans diplôme ni fortune. Son propre père allait certainement faire une crise cardiaque en apprenant qu’elle convolait avec un Blanc. Que ferait-elle dans ce cas ? Laisserait-elle Paul pour protéger le cœur bien fragile de son père, ou bien romprait-elle, définitivement, avec sa famille ? Toute à ses pensées, enveloppée de la douce chaleur qui émanait de Paul, elle ne voyait pas que le second acte se jouait déjà en arrière-plan, dans le magasi

Aujourd'hui je manifeste...

Aujourd’hui je manifeste avec mon frère et son amie. C’est la première fois que je la vois. Petite, rousse, elle semble déterminée à faire tomber le gouvernement. Mon frère et moi, plus modestement, sommes venus dire « non » aux violences policières. Néanmoins nous nous imprégnons de l’atmosphère révolutionnaire qui se répand sur Barbès. Le trajet de la manifestation est étrange : de petites rues au nord de Paris, loin des République-Bastille-Nation auxquels je suis habituée. A peine descendus du métro, nous commettons notre première infraction : la sortie est en effet barrée par de la rubalise dont personne ne tient compte et qui, après avoir été enjambée par les premiers manifestants finit par céder devant l’avancée de la foule. Nous voici donc dehors, sous la neige qui tombe dru. Amélie, l’amie de mon frère, part repérer dans quel sens va le cortège. Quelques minutes plus tard elle nous appelle : « Adeline, Martin, ils ont besoin de bras pour porter une banderole devant, vous venez

Au café de Flore

 « J’ai rendez-vous avec Flore au café mais rien ne se passe comme prévu. »   Patrick la main sur mon épaule. Younes qui clope, à la même table que nous. J’avais rendez-vous avec Flore au café mais rien ne s’est passé comme prévu. Elle est arrivée cinq minutes après moi. Le serveur avait déjà apporté le camion d’apéritifs. Flore a regardé avec dégoût les petits bonshommes couverts de sel. Il faut dire qu’ils n’avaient pas l’air très croustillants et dégageaient comme une odeur de rance. J’ai voulu lui faire la bise mais elle m’a dit « Ah ! gestes barrière ! » et on s’est salué du coude. En me rasseyant j’ai renversé le camion de bonshommes apéritifs qui se sont mollement écrasés par terre. Elle a fait signe au serveur, pour nettoyer. Je tournais dans ma tête un compliment pour remettre ce rendez-vous sur la bonne voie. C’est alors que Younès s’est pointé. « Flore ! Tu es sublime aujourd’hui ma belle ! a-t-il dégainé avant moi. Ça ne te dérange pas que je t’emprunte Henri deux minutes ?

Présentation

  Ce blog est né d'un atelier d'écriture que je suis depuis quelques mois. On nous donne une phrase ou une image (sans contexte), et nous avons quarante minutes pour écrire ce que nous voulons avant de lire au groupe notre production. J'y ai pris goût et j'ai commencé à demander des images à mes amis pour écrire plus d'histoires. Vous trouverez sur ce blog essentiellement des textes écrits en quarante minutes, mais je n'exclus pas de publier des choses plus longues ou plus approfondies. N'hésitez pas à proposer des images !