Crédit image : Nick Knight
Perdue dans ses réflexions elle a presque oublié la cigarette qu’elle tient. Mais bientôt elle lèvera les yeux vers les volutes de fumées, pour une chercher une solution, la solution. Elle y verra un enchevêtrement de formes qui reflète celui de ses pensées. Elle a espéré que la première cigarette du matin — ou est-ce la dernière de la nuit ? — lui éclaircirait l’esprit. Mais le tabac ne parvient pas à dissiper les vapeurs d’opium. Au contraire, il s’y mêle, accroît leur effet.
Elle secouera la tête pour dégager des yeux presque aussi violets que son manteau. Mais sous la fulgurance de la couleur, son regard restera opaque, plongé à l’intérieur d’elle-même, plongé dans le souvenir de cette nuit, de toutes les nuits, qui se mêleront comme un film au montage chaotique. Est-ce cette nuit qu’elle a décidé de le quitter ? Cette nuit qu’elle l’a vu pour la première fois ? Cette nuit qu’elle a compris qu’elle ne resterait jamais plus d’un mois avec le même homme ? Cette nuit qu’elle a fui, sans claquer la porte mais en la fermant le plus silencieusement possible, ce père qui voyait trop la femme en elle ? Cette nuit qu’elle a reçu, comme une claque, la révélation qu’elle s’était fermé la porte non seulement du foyer familial, mais de tous les foyers possibles ?
Elle lèvera les yeux vers les volutes de fumée et plongera de nouveau dans ses terreurs nocturnes de petite fille. Dans l’odeur de tabac qui reste dans l’appartement quand sa mère claque la porte dans la nuit, criant qu’elle ne reviendra jamais, et revenant toujours, comme enchaînée. Et sous l’effet conjugué des deux drogues, elle comprendra, enfin, déjà, qu’elle s’est condamnée à être libre pour toujours.
Commentaires
Enregistrer un commentaire